La moitié de dix milliards

Vous êtes au courant? Avec moi, ils ne partiraient pas, parce que j'ai suivi avec succès le cours de sciences économiques maternelle première année. Etant donné que leur cerveau n'est pas encore complètement formé, pour que les tout petits comprennent, on leur explique que lorsque le copain a dix billes, s'il accepte de m'en donner 50%, de peur de se faire pocher un oeil, j'empoche avec plaisir 5 billes, pendant que le copain en garde cinq, en pleurant sur les cinq que je lui ai prises, mais nous pouvons jouer ensemble, puis il essaye de reganer ce qu'il a perdu. Mais si j'essaye de lui en prendre 75%, avec les 2,5 billes qui lui restent, il n'a plus du tout envie de jouer. Et c'est lui qui me poche un oeil avant de se sauver en courant pour jouer avec un autre qui sera moins gourmand. Au bout du compte, je vais me retrouver avec un oeil poché et 75% de 0 bille. 

Quand on sort des grandes écoles et qu'on fait de la politique, on ne joue plus aux billes, mais on joue avec des milliards. Evidemment, moi qui suis toujours à l'école maternelle et pauvre, je continue à jouer aux billes, mais j'ai très bien compris qu'avec les milliards des grands, c'est pareil. Quand un copain gagne dix milliards par jour, si je lui en prends 50%, j'encaisse cinq milliards par jour, et mon copain continue à jouer avec moi. Et moi je suis peut-être jaloux du copain qui gagne autant de pognon, mais en prenant 365 fois cinq millards par an, j'ai quand même de quoi être content. En revanche, le jour où je veux lui en prendre 75%, il ne veut plus jouer avec moi, et je lui prends 75% de rien du tout, et je fais un caprice, et je le traîte de tous les noms. Et lui, il me fait un pied de nez, me tire la langue, et me dit d'aller me faire foutre, ce qui est très mal poli.

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait :" Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on ne se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte