Encore Lampedusa

Vous êtes au courant? L'autre jour, alors que je n'avais encore fait de mal à personne, ils m'ont gâché la journée en me montrant de pauvres malheureux qui arrivaient à Lampedusa dans des conditions que je n'aurais pas aimé partager. La mer était mauvaise, ils étaient mouillés, ils avaient froid, ils avaient faim et ils avaient eu peur d'y laisser la vie, comme bon nombre de ceux qui se lancent sur les mers dans les mêmes conditions, et qui finissent dans le ventre des poissons. Et les journaleux ont expliqué que sur une petite période de cinq jours, ils avaient été 3 500 à rejoindre Lampedusa. Combien sont morts en cours de route? Je ne sais pas, et j'ai bien peur que le nombre de morts répertoriés chaque année ne représente qu'un petit pourcentage du nombre de disparus en mer, sans laisser d'adresse. Cela devrait nous donner une idée de l'ampleur de la catastrophe, et de l'ampleur de l'invasion à laquelle l'Europe est soumise, car il ne faudrait pas croire qu'ils mettent tous le cap sur l'Italie. En fait, nous le savons très bien, ils franchissent les frontières européennes de tous les côtés. Si bien que si on ne peut pas calculer le nombre de morts en cours de route, on ne peut pas davantage calculer le nombre de ces malheureux qui arrivent dans un pays de l'UE, mais à partir du peu que nous savons, nous sommes obligés de conclure qu'ils sont très nombreux, si nombreux que nous aurons du mal à donner à chacun le bon petit travail bien payé dont il rêve, pour mener la bonne petite vie dont il rêve.

Résisterons-nous à cette poussée incessante? D'autant plus que parmi ceux qui sont déjà chez nous, et font partie de la deuxième, ou troisème génération, il y en a qui nous font la guerre, et chantent la haine qu'ils éprouvent à notre égard, comme si éprouver cette haine était un titre de gloire. A partir de là, on peut craindre que dans quelques dizaines d'années, des gens qui viennent se réfugier chez nous aujourd'hui, ou leurs enfants, prennent le même chemin et, histoire de nous remercier de leur offrir l'hospitalité, nous vouent la même haine. Par dessus le marché, comme beaucoup auront droit à la nationalité française, ils auront le droit de vote. Des gens qui vous haïssent autant et qui ont le droit de vote dans votre pays, nous avons beau dire que l'immigration ne pose pas de problèmes, il se pourrait que nous ayons quand même, des problèmes.

Alors, que faire? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, pour l'instant, c'est que si on refuse de poser correctement un problème, les solutions qu'on prétend y apporter, non seulement ne permettent pas de le résoudre, mais elles risquent plutôt de l'aggraver, pour des raisons évidentes.

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte.