Les pauvres et la planète

Vous êtes au courant? Chez nous, en France, il y a des gens pauvres qui triment du matin au soir pour survivre. Car, lorsqu'on sait ce qu'est leur existence, on ne peut pas dire qu'ils vivent. Et ils supportent tout sans broncher, stoïquement, pudiquement, si bien qu'on n'entend jamais parler d'eux. Souvent, pour se loger selon leurs modestes moyens, ils habitent là où les loyers sont moins chers, c'est-à-dire à quelques kilomètres d'une grande ou d'une petite ville. Ils doivent évidemment se rendre souvent dans cette ville voisine pour gagner leur vie et se ravitailler. Et, comme en France les petites villes privées de transports en commun sont les plus nombreuses, ces pauvres sont nombreux à ne pouvoir s'y rendre qu'en voiture. Cette voiture, ne pouvant être, elle aussi, qu'en accord avec leurs moyens, est vieille mais économique à l'achat et à l'usage, c'est une voiture diesel. Et ils la font durer le plus longtemps possible, car ils ne savent pas comment ils réussiront à se nourrir et rembourser le crédit d'une nouvelle, lorsque celle-là ne sera plus réparable. 

Nous avons aussi de nombreux petits retraités, également fort pauvres, qui ne peuvent se ravitailler autrement qu'en se rendant à la ville voisine dans leur petite voiture diesel. Rien que pour acheter le pain, s'ils ne peuvent pas rouler en ville, ils vont devoir parcourir 4 ou 5 kilomètres à pied, à leur âge. 4 ou 5 kilomètres pour aller à la boulangerie, et autant pour revenir. Et puis, une fois ou deux par mois, ou une fois tous les deux mois, histoire de rompre un peu de leur isolement, ils aiment bien manger dans un petit restaurant pas cher, auquel ils ne peuvent se rendre qu'en parcourant plusieurs kilomètres en ville. 

Hélas, pour sauver la planète, les pauvres travailleurs dont il est question plus haut et les pauvres retraités de nos lointaines provinces ne pourront plus gagner leur vie et conduire les enfants à l'école, pour les premiers, et se ravitailler, pour les seconds, car ils vont interdire les voitures diesel en ville. Et avec ça, les commerçants et les restaurateurs vont encore voir leur chiffre d'affaire baisser. Mais, y a qu'à développer les transports en commun partout, et le tour sera joué, me dira-t-on. Et ça va créer des emplois! Et avec quoi allez-vous payer les investissements et les frais d'exploitation, vous répondrai-je. Avec le chiffre d'affaires que représentent ces gens? Non, évidemment non, ça ne serait pas suffisant. Alors, avec quoi, sinon avec vos impôts?   

Or, je tiens à le rappeler, dans le journal Het Laaste Nieuws du weekend des 7 et 8 juillet, publié en néerlandais, il est expliqué que, au cours des derniers mois, les émissions de CO2 ont augmenté en Belgique de 7,1°/°, parce que les gens achètent de moins en moins de voiture diesel, et de plus en plus de voitures à essence, et que les voitures à essence émettent 20°/° de CO2 en plus. Naturellement, on me dira qu'il vaut mieux plus de pollution avec des voitures à essence, parce que moins dangereuse. Autrement dit, plus ça pollue, moins c'est grave en France, tandis que plus c'est grave dans d'autres pays. Et pendant qu'on va pourrir la vie de millions de pauvres gens, et que vous applaudirez des deux mains, la poussée démographique qu'on prétend insuffisante fait que chaque année, le nombre d'habitants que nous avons en plus en France est égal à deux fois la ville de Bordeaux. Je vous laisse compter combien ça fait de voitures, et donc d'émission polluante en plus. 

Après ça, comment voulez-vous que je ne me demande pas si, par hasard Coluche n'avait pas raison quand il disait :"Il paraît que nous sommes cernés par les cons. C'est vrai, mais on ne se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte