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Régis Ducon Lajoie la Marée Monte
11 juin 2015

La petite pricesse à des ennuis

Vous êtes au courant? L'infante, la petite soeur du Roi d'Espagne, a des ennuis avec la justice. Le pire, c'est que son mari chéri a des ennuis avec la justice, lui aussi! Et moi, cruel que je suis, au lieu d'avoir du chagrin parce que cette petite pricesse sans défense est pousuivie depuis cinq ans par un grand méchant juge, comme le petit Chaperon Rouge était poursuivie par le grand méchant loup, tandis qu'elle assiste en plus au dépeçage judiciaire de son bien aimé, je me réjouis plutôt de savoir qu'il y a au moins un pays où les grands du royaume qui commettent quelques indélicatesses doivent répondre de leurs actes devant la justice, comme n'importe quel citoyen. Quoi que, chez nous aussi, il y a des grands du royaume qui ont des ennuis avec la justice, si vous voyez ce que je veux dire. Mais, chez nous, sont-ils tous vraiment traités comme vous et moi, comme n'importe quel citoyen? Dans le cas de l'infante, donc en Espagne, figurez-vous que le juge qui a instruit l'affaire a accumulé un dossier qui comprend 76 000 folios. Vous avez bien lu: 76 000 folios! Je l'ai vu a la télévision espagnole! Ils ont fait appel à un camion de déménagement pour transporter tout ça. Est-ce que chaque citoyen a droit à autant d'attention? Finalement, je ne sais plus si l'infante a été traitée par le juge comme n'importe quel citoyen. Je ne sais pas si elle est coupable, je ne sais pas si elle sera déclarée coupable au terme du procès qui l'attend, mais je sais que tout citoyen a droit, et doit avoir droit, à la présomption d'innocence, en Espagne comme en France. Alors, si elle a eu droit à cette présomption d'innocence, comment expliquer ces 76 000 folios, dans lesquels n'importe qui, magistrat ou pas, se perd inévitablement. D'où sortent ces 76 000 folios? A première vue, soit le juge avait des éléments concrets pour mener une enquête permettant de traduire l'infante devant un tribunal et, si ce juge avait des éléments concrets pour insister sur ce cas, il n'y avait pas besoin des 76 000 folios, ou, au lieu d'éléments concrets, il n'avait qu'une forte conviction, c'est à dire une forte présomption, non pas d'innocence, mais une forte présomption de culpabilité, ce qui expliquerait l'acharnement qu'il a mis à réunir ces 76 000 folios.  

Que contient, et qu'apporte comme preuve, ou au moins comme indice, chacun de ces 76 000 folios? Si jamais il y en a qui apportent des indications claires, pourquoi tous les autres? Peut-on croire que c'est l'ensemble de tous ces documents qui apportent la preuve de la culpabilité de cette personne? Je veux bien, mais comment s'y retrouver dans tout ça? En fait, il se pourrait bien que, en Espagne comme en France et dans d'autres pays, dans l'état actuel des choses, il soit impossible de juger les grands du royaume comme les autres. Tantôt ils bénéficient de faveurs comme nous le soupçonnons tous, tantôt le magistrat, tenant à montrer qu'il fait son travail jusqu'au bout, malgrè le haut rang de la personnalité dont il s'occupe, risque de tomber dans l'acharnement judiciaire, comme d'autres tombent dans l'acharnement médical, et perd toute objectivité. Les grands de ce monde doivent être punis plus sévèrement que les autres lorsqu'ils commettent des délits, certes, mais il faut respecter le droit, il faut respecter la loi dans l'esprit et la lettre, pour tout le monde. Or, chez nous ou dans d'autres pays, il semble bien que des juges, de temps en temps, se laissent quelque peu emporter pas leur manque de convictions, ou par leur excès de convictions. De toute façon, chez nous, on exige que le juge instruise avec le même acharnement à charge et à décharge, ce qui est à la limite du possible. C'est pourquoi je serais tout content si nous pouvions avoir, pour chaque affaire, un juge qui instruit à charge, et un juge qui instruit à décharge. Chacun faisant la moitié du travail, cela ne coûterait pas plus cher, et éviterait quelques uns de ces dérapages regrettables que la magistrature a eu parfois le manque de vergogne de nous offrir. Naturellement, comme le système ne sera pas encore parfait avec ça, si quelqu'un peut ajouter encore quelques améliorations peu onéreuses mais efficaces, elles seront certainement bien venues.

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte                                  

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