Petite phrase

Vous êtes au courant? Ils ont expliqué à la télévision que Valls devient le chef de file des socialistes, et qu'il a déclaré: "Il faut savoir où on va, et naviguer fermement." Que c'est beau! Que ça vienne de droite, de gauche, du centre ou d'ailleurs, quand un personnage politique m'offre une phrase pareille, je me régale, surtout quand les médias nous en informent comme si c'était un élément de toute première importance. ( Il y a la guerre au Moyen Orient avec des morts et de la cervelle collée au plafond, les Turcs ont bombardé Isis et ça a fait des morts avec le sang qui a giclé sur les murs et de la cervelle collée au plafond, il y a des incendies gigantesques avec de morts, mais de la cervelle grillée au lieu de la cervelle collée au plafond, et Valls a dit: "Il faut savoir où nous allons, et naviguer fermement.") Chaque fois qu'on nous informe qu'un personnage pareil nous a envoyé une petite phrase pareille, j'imagine ce que deviendrait le monde si jamais il avait dit le contraire: "Il ne faut pas savoir où nous allons, et il ne faut pas naviguer fermement." Il me semble que ça serait encore plus beau et plus conforme à ce qu'ils font, à droite, à gauche, ou ailleurs. Je raille, mais il a raison. Il faut savoir où on va pour y aller, ou on risque de ne jamais y arriver. Ou alors, on risque d'y arriver sans s'en rendre compte. Comme les amis politiques de Valls ne le savaient pas, il a bien fait de le leur dire. Voilà ce qui fait les grands hommes, capables de gouverner un pays!

Etant timide, si je faisais de la politique à ce niveau, je n'oserais jamais tenir de tels propos. J'aurais peur de perdre des voix, ou d'en faire perdre à mon parti. Nous avons de nombreux problèmes à résoudre, les mesures appliquées depuis des décennies par les uns et les autres n'ont pas empêché la situation de s'aggraver et, pour venir à bout de tous ces problèmes, que propose Valls à ses amis du PS et aux citoyens? Il propose de savoir où nous allons, et de naviguer fermement. N'a-t-il pas peur que les Français, en entendant ça, croient qu'il les prends pour des imbéciles? Peut-on imaginer que des citoyens vont voter pour quelqu'un qui dit: "Il faut savoir où nous allons, et naviguer fermement."? "Tu parles d'un programme qui va résoudre nos problèmes! diront de gros plébéiens" Donc, que ce soit pour racoler des gens de droite, du centre, ou d'ailleurs, si je faisais de la politique à ce niveau, je ne tiendrais pas des propos pareils, sauf par mégarde, parce que je ne crois pas que les gens soient assez bêtes pour se laisser prendre à des propos pareils. J'aurais peur, au contraire, qu'ils me prennent pour un palabreur qui ne vend que du vent, et votent contre moi. Mais il se peut que je me trompe, et le fait que les médias nous rapportent ces paroles comme un fait marquant, va dans ce sens. Mais alors, cela voudrait dire que je suis le seul à être aussi con que je le suis? Ou est-ce que ça veut dire qu'il y en a qui sont différents, mais aussi cons que moi? Peut-être même plus cons? Je ne voudrais pas avoir l'air prétentieux, mais ça me paraît impossible. Ou alors, il y a de quoi avoir peur pour l'avenir.

Et après ça, comment ne pas respecter la tradition qui consiste à me demander si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point." 

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte