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Régis Ducon Lajoie la Marée Monte
3 septembre 2015

Comme à la maternelle

Vous êtes au courant? Il y a au moins une vingtaine d'années que je n'ai pas vu le client d'un restaurant goûter ce qu'on venait de lui servir, puis se lever et partir sans rien dire à personne, et sans payer ce qu'il n'avait pas mangé. Quand cela se produisait, le personnel du restaurent se précipitait pour demander les raisons de ce départ précipité et, généralement, le client crachait, bien plus qu'il ne disait, qu'il ne mangeait pas et ne payait pas le genre de tambouille qu'on venait de lui servir, surtout à ce prix-là. Ce qui est, reconnaissons-le, particulièrement mesquin. En effet, quoi de plus mesquin et vulgaire que de parler argent quand il s'agit d'art! Car il s'agit bien de l'art culinaire, n'est-ce pas? Mais, pire encore, des clients mécontents allaient jusqu'à sortir sans même répondre aux questions du personnel, et sans lui présenter ses respects, ce qui prouve que leur maman ne leur avait pas appris qu'il est malpoli de partir sans dire au revoir. Et cela obligeait le personnel à étudier le contenu de l'assiette, pour comprendre ce qui avait provoqué le départ mécontent du client. C'était inhumain! Surtout pour le cuisinier, car vous pouvez facilement imaginer le savon que le patron lui passait, à cause de la perte d'un client, et de la marchandise servie, mais ni mangée, ni payée. 

Ce que je viens d'expliquer était rare, voir exceptionnel, mais tout le monde savait que cela pouvait se produire lorsqu'un client estimait qu'il n'en avait pas pour son argent. Et c'est peut-être pour ça que lorsqu'un client faisait des remarques à un serveur, de peur de le voir se lever et partir mécontent, sans payer ce qu'on lui avait servi, mais qu'il ne mangeait pas, le serveur commençait par vérifier que les réclamations du client étaient justifiées puis, prenant les devants avec l'assentiment du patron, s'empressait de déclarer: "Je vous prie de nous excuser, Môssieur. Naturellement, ce plat ne sera pas porté sur l'addition. Pouvons-nous vous offrir quelque chose pour nous faire pardonner?" Vous avez certainement remarqué le "nous" des excuses, qui se justifie par le fait que ce n'est pas en son seul nom que le serveur les présentait, puisque la faute ne venait pas de lui. Ce "nous" indiquait des excuses présentées au nom du cuisinier qui l'avait commise, du serveur qui avait présenté le plat sans la déceler, et de la direction sous la responsablité de laquelle cette faute avait été commise. Vous me direz sans doute qu'il fallait vraiment avoir l'esprit tordu pour comprendre tout ça dans ces conventions, et vous aurez raison. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus simple. Même les gens qui mangent d'un manière qui montre combien ils ingnorent tout du savoir vivre basé sur le respect de soit et des autres, sont trop bien élevés pour refuser de manger un plat qui ne vaut pas son prix, ni pour faire le moindre reproche au serveur, puisque ce n'est pas de sa faute.   

Ayant bien compris tout ça, et me mettant au goût du jour, même le vieux grincheux que je suis n'a rien dit, l'autre jour, quand on m'a servi une omelette aux cèpes, préparée avec des cèpes surgelés, pas cuits avant d'avoir été congelés, et même pas complètement  décongelés. Comme ce champignon est indigeste quand il n'est pas cuit longtemps, et que c'est la longue cuisson qui en fait ressortir les saveurs, vous imaginez ce que valait cette omelette à 15 E. Mais, de nos jours, si vous en faites le reproche au serveur, il s'écrit immédiatement: "C'est pas moi, c'est le cuisinier!" comme à l'école maternelle le petit élève auquel on demande qui a cassé le vase de Soisson s'écrit: "C'est pas moi!" Cela prouve qu'ils ont de l'instruction, ces petits jeunes d'aujourd'hui, puisqu'ils savent que c'est le cuisinier qui fait la cuisine. D'ailleurs, si j'en parle avec des jeunes de mon entourage, ils me disent bien que ce n'est pas au serveur qu'il faut faire des reproches, puisque c'est le cuisinier qui fait la cuisine. Et ils me disent ça sur le ton qu'on prend pour s'adresser à un enfant qui est encore habité par l'ignorance du bébé qui vient naître, ce qui prouve que je rajeunis de plus en plus, car personne ne peut supposer que c'est parce que j'ai l'air de plus en plus gâteux. Et surtout, il ne vient à l'idée de personne de ne pas me faire payer une omelette dégueulasse, surtout pas au jeune serveur auquel il ne faut pas faire de reproches, ni à son patron, qui ne les accepterait pas davantage.

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte                 

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