Si j'étais terroriste

Vous êtes au courant? Pour leur permettre de mieux lutter contre le terrorisme, les forces de l'ordre reçoivent un nouvel équipement, avec un beau gilet pare-balles entièrement tricoté à la main, et une belle arme qui tire des balles qu'arrête le gilet pare-balles du copain, quand un maladroit rate les terroristes. Je le sais, ils nous l'ont montré l'autre jour à la télévision, avec le ministre tout fier de ce nouvel équipement, comme si il l'avait fabriqué lui-même. Et avec ça, ces forces de l'ordre sont si bien entraînées que, si j'ai bien compris, elles sont capables d'intervenir n'importe où, dans les vingt minutes qui suivent le début de l'acte terroriste. Ce qui, reconnaissons-le, est vraiment très fort. Je ne demande pas combien ça coûte, car ce serait mesquin, surtout maintenant que, pour que nous puissions lutter contre le terrorisme, Bruxelles nous autorise des déficits, que nous aurions faits de toute façon sans avoir à lutter contre le terrorisme.

Si j'étais terroriste, je repérerais les lieux, je me vêtirais de plusieurs couches de vêtements légers de couleurs trés variées, puis je viderais un bon chargeur sur les clients d'un bar bien rempli, ou à la sortie d'une usine, au moment où aucune patrouille ne paraîtrait à l'horizon. Puis je me sauverais jusqu'à un endroit proche prévu à l'avance, où, sûr d'échapper aux regards et aux caméras de surveillance, je jouerais au caméléon, en enlevant la première couche de vêtements de manière à changer d'aspect, puis, tranquillement, l'arme bien dissimulée dans un sac qui changerait d'aspect, lui aussi, je partirais vers un nouvel endroit fréquenté, tirerais dans la foule, et je recommencerais l'opération jusqu'au moment de me faire joyeusement sauter afin de rejoindre le paradis d'Halla, que je n'atteindrais certainement jamais, mais il n'est point besoin d'arriver pour partir. 

Si vous faites le compte du temps qu'il faut pour vider un chargeur dans la foule, puis pour se sauver en faisant avaler son extrait d'acte de naissance au premier qui essait de vous suivre, vous aurez la mauvaise impression qu'aucune force d'intervention, aussi bien organisée soit-elle, n'arrivera à temps pour vous en empêcher et, pire encore, pour vous empêcher de répéter l'opération plusieurs fois. Votre impression sera encore plus désagréable, quand vous arriverez à la conclusion qu'un seul individu, en agissant de la sorte, peut faire des dizaines, et même une centaine de victimes, sans que les forces de l'ordre, si bien équipées, si bien entraînées et qui coûtent si cher, soient capables d'empêcher quoi que ce soit. Pas plus, d'ailleurs, que le plan Vigipirate, qui coûte également si cher et ne sert à rien d'autre, que vous faire croire qu'il sert à quelque chose.

Est-ce que des citoyens armés, détenteurs d'un permis reçu au terme d'une formation, comme pour le permis de conduire, vaquant à leurs occupations, et des policiers en civil et discrètement, mais fortement armés, installés à la terrasse d'un bar, comme n'importe quel client, ou jouant au promeneur, ne serait pas une réponse plus économique et, surtout, beaucoup plus efficace? Probablement, mais il va falloir de nombreux milliards dépensés en vain et de nombreuses victimes, avant qu'on l'admette. 

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Marée Monte.