Les 10 dés

Vous êtes au courant? Je suis tellement bêtes que, ces derniers temps, je me demandais de quoi il s'agissait lorsque les gens qui viennent régulièrement dans mon poste de télévision parlaient des 10 dés. D'autant plus qu'ils disaient le 10 dés au lieu de dire les 10 dés, ce qui me paraissait encore plus étrange. Et, encore plus étrange que ça, il était chaque fois question du débarquement en Normandie. Pas vrai que c'est étrange, ça? Non, dirons les iniciés, il s'agit du D Day, qu'il ne faut pas pronocer Dédé comme on le ferait en bon français, mais qu'il faut prononcer, paraît-il, dix dés, puisque ces gens parlaient tout simplement du débarquement en Normandie organisé par les Anglais et les Américains, et auquel participèrent des Anglais, des Américains et des Français, avec peut-être, en plus, des gens d'autres nationalité. Et moi, encore plus abasourdi, je trouverai toujours plus étrange que lorsqu'on parle français, qu'on le dise en Anglais pour parler français, parce qu'il s'agit d'un évènement auquel participèrent des Anglais et des Américains, certes, mais qui se produisit en France et auquel participèrent des Français. Et, de toute façon, quand on parle français, il ne faut pas parler français? Allez comprendre!

Mais des gens très instruits me l'ont d'ailleurs très bien expliqué sur un ton qui n'admet pas de réplique, que, en Français, pour bien parler français, il faut dire certaines choses en Anglais, dès lors que cela concerne des évènements ou des gens anglophones. Non seulement ils m'ont dit ça sur un ton qui n'admettait pas de réplique, mais qui indiquait aussi à quel point ils ne voyaient en moi que ce crétin de Régis Ducon Lajoie la Marée Monte. Et lorsque j'essaye de rappeler à des gens nés dans les années soixante dix, ou après, que quand j'étais jeune, on disait le JOUR J, ils recommencent leurs explications en s'appliquant à me parler comme on parle à un démeuré, pour me démontrer que, en français, déjà à l'époque, on disait le D DAY, c'est à dire le dix dés. Et ils m'expliquent tout ça en oubliant que j'étais né bien avant eux, et que j'avais donc l'âge de raison, alors qu'ils faisaient à peine pipi tout seuls à l'époque de ma jeunesse, ou qu'ils n'étaient pas encore nés.

Et si je n'étais pas si poli, je leur dirais qu'il y avait bien, déjà à l'époque, quelques rares personnes qui disaient le D DAY ou utilisaient des termes anglais en toute occasion, et étalaient tant et plus les deux ou trois mots d'anglais qu'elles connaissaient, mais que nous étions presque tous tellement arriérés, nous qui faisions partie de la masse des cultes et des incultes, que nous les traitions de minables sales connards de snobinards prétentieux, car on nous avait appris à l'école, que quand on parle français, on doit parler français parce que c'est la règle en français, et que c'est mal poli de parler une autre langue à une personne qui parle français et n'est pas obligée de connaître une autre langue, et qu'il est minable de faire le malin en étalant ses connaissances, surtout quand, comme c'est le plus souvent le cas, on n'a que des connaissances très limitées. Mais comme on n'arrête pas le progrès, de nos jours, on fait exactement le contraire, et on vient vous démontrer que c'était déjà comme ça, à une époque où on n'était pas encore né.

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait pas raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point."

Régid Ducon Lajoie la Marée Monte

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Bise