Les germains et nous

Vous êtes au courant? De nombreux habitants des pays germaniques pensent que nous ne sommes que de sales petits trous d'air prétencieux. Rassurez-vous, ce n'est ni de votre faute, ni de la mienne. Vous savez certainement que cela vient de l'époque de notre grand roi soleil qui lança d'innombrables guerres à sa gloire, au cours desquelles ses prestigieuses armées commirent d'immondes massacres dont les populations des pays germaniques firent les frais. Vous me direz qu'après si longtemps, il faut que ces germains soient vraiment des rustres arriérés d'une mesquinerie impardonnable, pour continuer à nourrir de mauvais  sentiments à notre égard à cause de ça, et vous aurez raison. Mais, en même temps, ne leur donnons-nous pas de quoi entretenir la pensée que nous sommes quand même bien une bande de bons à rien prétentieux, qui vivons dans un pays mortellement bordélique, parce que nous ne sommes que des bons à rien, uniquement bons à foutre le bordel? 

Etant donné ce qui va suivre, je dois commencer par faire l'éloge de notre système de santé qui a bien des mérites, avec un personnel qui travaille dans de mauvaises conditions, avec des salaires parmi les plus bas d'Europe, si ce n'est les plus bas. Oui, bien sûr qu'il faut reconnaître quelques qualités à notre système de santé. Encore heureux qu'il ait quelques qualités, avec ce qu'il nous coûte. Car nos dépenses de santé par habitant sont égales aux dépenses de santé par habitant des allemands. Et pourtant, avec de telles dépenses, nos médecins, voir même l'ensemble du personnel de santé de notre beau pays, réclament plus de moyens depuis de nombreuses années. Ce qui n'a pas empêché, dans le même temps, toutes sortes de médecins et de politicards de venir dans mon téléviseur, à moi, que j'ai payé avec mes sous, à moi, pour vanter les vertues de notre merveilleux système de santé, en le comparant à celui des autres qu'ils déclaraient défaillant par rapport au nôtre.

 Vous ne me croyez pas? Alors, c'est que vous avez mauvaise mémoire. Mais je vais vous la rafraîchir en vous rappelant des choses récentes, comme lorsque l'épidémie frappa la Chine. Il fut bel et bien dit à ce moment-là que le système de santé Chinois n'était pas à la hauteur, car ils n'ont pas un système de santé comme le nôtre. Vous vous souvenez, maintenant? Et quand l'épidémie frappa l'Italie, c'est sur un ton tellement condescendant que cela fut également dit à leur égard dans nos téléviseurs, que ça en devenait insultant pour les Italiens. Vous vous rappelez, maintenant? Et vous vous rappellerez aussi, je l'espère, que même au sujet de l'Allemagne, des spécialistes français vinrent déclarer à la télévision: "Attention! L'épidémie commencera plus tard en Allemagne, comme elle a commencé plus tard chez nous qu'en Italie. Et vous allez voir, avec la politique des Allemands que, pour l'instant, ça va, parce que ça n'a pas encore vraiment commencé chez eux, mais quand ça va commencer vraiment en Allemagne, ce sera une hécatombe. Cela signifiait, bien sûr, que cela allait largement dépasser ce que nous allions avoir chez nous.

Et maintenant, après de nombreux mois, où est-elle, cette hécatombe allemande, dépassant de loin la nôtre? Hein? Oui, bien sûr, vous répondra-t-on, en Allemagne, ils ont tout ce qu'il faut depuis le début, avec beaucoup plus de matériel et plus de personnel que nous par habitant. Et leur personnel est beaucoup mieux payé! Oui, répondrai-je à mon tour, mais nous dépensons autant par habitant que les Allemands. Alors, comment se fait-il qu'en dépensant autant par habitant que les Allemands, nous n'ayons pas les mêmes moyens par habitant que les Allemands? Vous, soignants, demandez beaucoup plus de moyens depuis des dizaines d'années, mais où passe le pognon, alors que vous êtes moins bien payés que les Allemands? Hein?

Les Allemands et d'autres germains vous diront sans doute que, comme je l'explique plus haut, pour eux, c'est parce que nous sommes des bons à rien et que c'est le bordel, chez nous, qu'en nous coûtant autant d'argent par habitant que le système de santé allemand, vous n'obtenez pas le même résultat qu'eux, alors que vous ne cessez de vanter vos qualités. Et bien, sans pour autant nier que vous méritez les compliments que je vous fais au début de ce texte, je vous demande de nous dire combien de fois plus d'argent par habitant qu'en Allemagne il faut vous donner, pour que vous soyez capables d'obtenir le même résultat qu'eux.

Et après, le peuple français va certainement vous virer à coups de pied dans le cul, pour confier notre système de santé aux Allemands. En travaillant sous les ordres des Allemands, vous serez beaucoup mieux payés, plus efficaces parce que mieux équipés, et vous ne nous coûterez pas plus cher.  

Je me demande si, par hasard, Coluche n'avait raison quand il disait: "Il paraît qu'on est cernés par les cons. C'est vrai, mais on se rend pas compte à quel point."

Régis Ducon Lajoie la Mare Monte

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Bise